Lueurs d’E - Oeuvre Lumière Ligne E Tramway

Toulouse - Occitanie
DescriptionInstallation pérenne sur 11 km
Inauguration2008
Collaboration à l'Atelier Hervé Audibert
Budget oeuvre1 300 000 €
Maîtrise d'ouvrageS.M.A.T.
En collaboration avec Le Cube, centre de création numérique

Projet d’une « oeuvre lumière » jalonnant les 11 km de la ligne E du Tramway de Toulouse.

Il nous a paru qu’il y avait, entre le tramway et la lumière, un lien évident, un symbole universel de la vie et du mouvement, qui s’adresse en particulier à chacun de ses usagers. Autrement dit, notre projet est sous-tendu par la notion d’énergie, commune à la lumière et au tram, que nous avons cherché à lier en une entité symbiotique.

Le tram traversant la ville, il nous a paru juste d’utiliser des dispositifs existants d’éclairage urbain et de les détourner de leur fonction première de balisage pour en faire des incitateurs de fiction.

Les stations déterminent l’environnement principal et spécifique du tramway. Elles forment autant de stases et d’événements visuels obligés tout au long de la ligne. Pour ces raisons, sans doute, elles n’ont pas retenu notre attention. Nous avons préféré travailler dans les intervalles, dans les interstices, quand le tramway est en mouvement et ses voyageurs statiques et disponibles. Puisque son passage constitue également un événement pour les personnes extérieures, il nous a semblé important de ne privilégier aucun point de vue. Nous avons voulu un projet lisible à la fois par les passants et par les usagers, de l’intérieur comme de l’extérieur, puisque le tram est une fenêtre ouverte et mobile sur la ville.

Notre projet se construit comme une phrase musicale changeante, avec ses poursuites pilotes qui accompagnent la rame ; et comme un texte à imaginer, dont ne serait indiquée que la ponctuation mouvante. Cette « matière-lumière », dispersée dans mille lentilles lumineuses, dessine une sorte de Kandinsky dynamique, des agencements de points blancs dansant dans l’axe de deux lignes parallèles. Tout au long du parcours, des semis, irréguliers et différents, de sources lumineuses restent en latence. Le passage du tramway les active, selon des rythmes aléatoires, des combinaisons renouvelées. Chaque passage crée ainsi une forme éphémère et singulière qui vient rompre la linéarité monotone et prévisible du trajet. En contrepoint du guidage informatisé du tramway, notre projet veut réintroduire une part d’entropie, un degré d’incertitude dans l’apparition de chaque signal.

Tout en informant et sécurisant les passants, cette activation fonctionne aussi comme un signal qui ne renvoie qu’à lui-même, à ce jeu mobile de particules lumineuses qui crée des formes. Elle rappelle ce qu’en astronomie on appelle la lumière rémanente, flot de photons continuant à rayonner dans l’univers quand leur source est depuis longtemps éteinte.

Nous n’avons pas voulu créer un monument, mais ce que Francis Ponge appelait un « moviment ». Alors que le monument érige sa forme autoritaire et immuable en un lieu fixe, dictant à tous les conditions de sa visibilité, le « moviment », avec sa part de hasard et sa fluidité, propose des rencontres illimitées qui nous laissent libres. Il illustre avec légèreté l’idée deleuzienne de « la répétition comme différenciant de la différence ».

Nous avons cherché, par ce projet, à créer une forme de respiration permanente, en résonance avec le ballet incessant du tramway. En dotant les rames d’un cortège nomade de lumières, il s’agit certes de manifester leur insertion dans la ville. Au-delà, nous invitons chaque passant à un voyage dont il sera tout à la fois l’acteur et l’auteur.